Après ses études à l'Institut St Michel à Verviers, puis chez les Frères des Ecoles chrétiennes à Carlsbourg, Emile obtient son diplôme d'ingénieur des Eaux & Forêts à l'Institut Supérieur d'Agriculture de Gembloux en 1903. Il a 24 ans. De 1903 à 1911, son temps se partage entre différents boulots dans la région montoise, des cours d'agriculture donnés à Carlsbourg, Stavelot et Spa, des articles dans la Revue Générale sur les «Poètes mexicains», des poèmes dans la revue Durandal. Il fréquente assidûment la bibliothèque verviétoise (il lit deux livres chaque jour) et parcourt l'Allemagne, l'Italie et la France. Mais ces courts voyages ne faisaient qu'exciter le désir d'escapades plus lointaines, en dehors de la "prosaique banalité de son pays».

En 1911, il obtient un poste d'attaché à l'Agriculture à Boma. Il reste deux ans au Congo et en 1913, sur proposition d'un ami verviétois, Maurice Fabry, il part pour le Chili. Il y restera jusqu'en 1922, vivant de fortunes diverses, entre projets d'agriculture, cours de langues - il parle l'anglais, l'espagnol, l'italien, l'allemand - articles pour des revues belges et espagnoles. Il alterne équitation et natation (avec excès, et qui lui causeront en 1917-1918 une grave crise cardiaque) avec l'étude des écrivains anglais et la lecture des classiques grecs. Il ne fait pas fortune ! Espérant un poste de professeur à l'Université d'Edimbourg, il débarque en Ecosse. Après un an, il regagne la Belgique. Il est nommé secrétaire de la Revue Belge, va à Venise, en France. Enfin, en 1932, il part pour l'Espagne professer l'histoire et les langues à une Académie de Barcelone. Il y restera jusqu'en 1936, chassé par la révolution communiste. Ce sera le retour définitif en Belgique. Il a un grand amour de la liberté, un esprit d'indépendance, un désintéressement absolu et une constante franchise».

En 1944, paraitront Les feux du drap d'or, recueil des ses plus belles poésies.

Tel est l'homme, le poète, le grand voyageur, «à la vie frugale, à l'austérité ascétique, indifférente à toute élégance vestimentaire» qui arrive à Grune un beau soir de mai 1944.

En décembre 1944, il est pris dans la tourmente de l'Offensive von Rundstedt. La maison est occupée par les allemands, qui lui laisseront une chambre à sa disposition. Ses contacts avec les villageois sont chaleureux, notamment avec ses voisins immédiats : la famille MINY, la famille MAITRE-JEAN, le cantonnier Odon THOMAS et sa femme, et avec les familles LHERMITTE, MERGEAY et PRAILE. Il multiplie les services rendus à la population, servant d'interprète entre Allemands et Grunois, allant à pied, dans le froid et la neige, chercher le Docteur FERIR à Nassogne pour des malades ou des blessés. Intrépide, il va également à pied à Nassogne, par -20°C, pour assister à la messe de Noël - beau témoignage de sa foi.

Lorsque les hommes sont arrêtés par les allemands, il tentera avec le bourgmestre Cyrille DEBEHOGNE de parlementer pour obtenir leur libération. Ils seront tous deux témoins du drame qui allait se jouer à Bande et je cite un extrait du journal d'Emile Chardome: «Nous aperçûmes une file d'hommes, debout, immobiles, dans une attitude d'une raideur forcée tournant le dos à la route, surveillés par un ou deux escogriffes à mine d'assasdins, en uniforme gris-vert. Nous passâmes rapidement, insultés et bousculés par l'un d'eux qui venait de nous crier quelque chose d'inintelligible et paraissait furieux de n'avoir pas été compris.» Vint enfin la libération le 11 janvier 1945 par les Anglais et les Américains.

Après les émouvantes funérailles des victimes du massacre à Bande, il partit à pied, par Champlon, retrouver sa sœur et ses tantes à Saint-Hubert.

Emile Chardome rentre à Liège, où il restera jusqu'à sa mort, le 7 avril 1954.

En août 1963, le Baron Pierre NOTHOMB, au nom de l'Académie luxembougeoise, dont Emile Chardome était membre, et le Comte Arnould de BRIEY, au nom des amitiés belgo-chiliennes, apposent sur la façade des « Buis » une plaque commémorative, dévoilée par Monsieur BRAVO, chargé d'affaires du Chili, en présence d'une nombreuse assistance:

A LA MÉMOIRE

DU

POÈTE LUXEMBOURGEOIS

EMILE CHARDOME

1879-1954

QUI RAPPORTA DU CHILI

DES IMAGES ÉBLOUISSANTES

ACADÉMIE LUXEMBOURGEOISE -

LES AMITIÉS BELGO-CHILIENNES